Spécial jeux de l'été

Brevet américain 6368227.
"Méthode pour se balancer sur une balançoire"
Dans la liste ci-dessous d'intitulés de brevets américains, certains sont fabriqués, d'autres sont réels, trouvez lesquels : une méthode pour
sélectionner les candidats à une élection, le principe de l'algorithme, la mémorisation des
pixels cachés par une fenêtre, l'intégration par partie, le
portail model-view-controller, l'inversion de matrice, l
'email crypté, la démocratie à stabilité optimale à trois chambres représentatives, la vente de
sous-domaines Internet, l'enregistrement d'un concert puis
son écriture sur CD, le
bouton qui réagit à une séquence de pressions, le système
de plug-in dans un navigateur, ou l'excitation de chat par
lumière laser.
Ca serait drôle si ça n'était pas navrant. Même la méthode pour se balancer de travers sur une balançoire est brevetée aux Etats-Unis. Si si j'vous jure
allez voir. Sniff.
Précisément et sérieusement ce qui est navrant, c'est que les critères de brevetabilité puissent être ignorés à ce point. L'USPTO, l'organisme américain de gestion des brevets, laisse passer quantité de "brevets" qui ne sont en effet ni nouveaux, ni inventifs. Un brevet protège une invention, pas simplement une nouveauté : il faut que le procédé candidat au brevet ne soit pas considéré comme évident par les experts du domaine.
Constatant que l'USPTO juge innovant le titillage de chat avec une lumière (fut-elle invisible à l'homme) et le balancement de droite à gauche sur une balançoire (gulp), comment pourrait-elle déterminer correctement le degré d'innovation de concepts infiniment plus ardus, à commencer par les algorithmes de compression, d'approximation, de descente en gradient, de réseaux de neurones artificiels, d'évolution génétique, les design patterns d'UI, de stockage, de parsing, de compilation, etc. ? C'est tout simplement impossible.
Résultat, la valeur moyenne des brevets américains est questionnable, pour être poli. Pour ne pas l'être, ils ne valent pas tripette, et il se pourrait bien que les actifs financiers
assis sur des portefeuilles de brevets soient aussi solides que ceux assis sur les subprimes.
Dans ce contexte un juge américain exige que Microsoft retire Word de la vente pour avoir enfreint le
brevet US 5 787 449 qui décrit comment séparer structure et contenu au sien d'un document, c'est-à-dire fond et forme, données et présentation. Il n'y a pas mille façons de le faire, et du reste le brevet recommande une approche qui n'est pas celle que l'histoire a retenue, à savoir l'établissement d'une liste de formats à appliquer accompagné des adresses des contenus à formater. Les nouveaux standards ont préféré des approches plus astucieuses (contenu/style tel que HTML/CSS), qui ont l'avantage de réduire la dépendance du format au contenu et de le rendre par là même réutilisable.
Je ne dis pas qui de Microsoft ou du plaignant
i4i est le meilleur patent troller. Ce qui m'intéresse c'est de dénoncer d'une part la fragilité de l'économie high-tech suspendu à des décisions mettant en jeu des millions de dollars, d'autre part la perte d'énergie apportée par ces brevets "subprimes" qui demandent très peu d'investissement (papier/crayon/eurêka/dépôt) mais sabotent les plans de quantités d'entreprises.
Si de tels brevets avaient été déposés au moment où les mathématiques numériques ont grandi (pensez par exemple à des algos omniprésents de type
Runge-Kutta ou
Gauss-Jordan), nous aurions quelques dizaines d'années de retard dans l'industrie en générale et dans l'informatique en particulier.
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